Un premier regard sur la question de la répétition

Eleni Molari

Dans la vie d’un sujet, on observe des répétitions. Répétitions de signifiants, qui viennent et reviennent dans les propos du sujet, mais aussi répétitions de comportements néfastes voire morbides, de choix inexpliqués, d’erreurs, d’accidents, de cauchemars. Nous sommes contraints de répéter, comme l’a souligné Freud, ce qui va à l’encontre du principe de plaisir et qui renvoie à ce que Lacan a, par la suite, nommé jouissance, permettant de considérer différemment l’être parlant. C’est comme si Lacan, en un sens, signifiait que « nous sommes obligés de jouir ». Le fait même de la répétition met en évidence - pourrait-on dire - le statut de l’être parlant qui, marqué par le langage, est soumis aux effets que ce dernier produit sur la jouissance du corps vivant.

Comme tous les concepts de Lacan, la répétition de la première période de son enseignement est différente de celle de la dernière. Ou plutôt, il y a répétition et répétition, comme le souligne Alfredo Zenoni1. Dans la même veine, Rodolphe Adam isole la répétition prise dans le symbolique et la répétition dans le réel2.

En d’autres termes, nous dirons que la répétition signifiante de la première période remplace la satisfaction que l’objet peut procurer en étant supprimé par le signifiant. Ce qui reste de ce processus, c’est le plus-de-jouir de la dernière période et, en fin de compte, ce qu’implique la répétition, à savoir le ratage du réel mais aussi la recherche de la jouissance. Ce reste, cette jouissance hors principe de plaisir, ce quelque chose de l’ordre d’un réel ne cesse de revenir « comme par hasard », d’une façon contingente face aux malheurs et accidents de la vie, telle une rencontre sans cesse manquée.

Dans le dernier Lacan, la jouissance n’est pas abordée à partir du signifiant, mais à partir de la jouissance elle-même. C’est la jouissance qui définit le corps parlant en tant que tel, c’est la jouissance sans l’Autre. Le corps est d’emblée affecté par ce réel de la parole. C’est de là que découle son mode de jouir. La répétition devient alors plutôt « stationnaire ». C’est la marque de la jouissance pulsionnelle qui se répète, réitère, toujours la même, comme le mentionne J.-A. Miller3.

Références

1 Dans son intervention sur “La répétition de Freud par Lacan”, qui a eu lieu dans le cadre des enseignements du Collège clinique d’Athènes le 30 janvier 2022.

2 Dans son intervention sur “Lacan, Kierkegaard et la répétition”, qui a eu lieu le 14 février 2022 dans le cadre des enseignements du Collège clinique d’Athènes.

3 Miller J.-A., L’Un tout seul (2011), Séminaire de l’Orientation lacanienne, inédit, leçon du 4 mai 2011.