La répétition est une recherche de jouissance
Frank Rollier
Jusqu’au séminaire « L’envers de la psychanalyse », la répétition signifiante était conçue comme nécessitée par l’aliénation, qui laisse toujours une part du sujet irreprésentable. Dans le séminaire XI, Lacan, relisant Freud, dégage que dans la répétition traumatique, c’est le réel qui est en jeu, mais il ne parle pas encore de jouissance. Dans L’envers, il formule que la répétition est une fonction nécessitée par la jouissance et qu’elle est elle-même une « recherche de la jouissance »1. Mais, tout comme le signifiant échoue à représenter l’être du sujet, la jouissance rate à être tout à fait représentée. C’est ce ratage « qui conditionne la répétition »2 et Lacan a pu dire que le « quelque chose qui se répète dans la vie » d’un sujet, « c’est ça qui est le plus lui (…) c’est un certain mode du jouir »3. La jouissance est pensée ici comme un plus-de-jouir qui tente de récupérer une part de la jouissance originaire, localisée dans le corps, perdue lors de l’entrée du sujet dans le langage.
J.-A. Miller en déduit que « la répétition, c’est ce qui mérite de s’appeler le symptôme »4. Dans la clinique, elle n’est pas à considérer seulement dans sa dimension temporelle, mais comme une recherche de jouissance qui ne cesse pas de s’écrire, ce qui peut apparaitre selon différentes modalités :
Ce peut être une construction établie par l’analyste. Ainsi, pour Freud, ce sont les premières excitations sexuelles de L’homme aux loups regardant Grouscha à quatre pattes, qui ont présidé à son « choix définitif d’objet » et aux modalités de sa « compulsion amoureuse ultérieure »5.
Ce rapport répétition-jouissance peut se révéler à l’analysant sous transfert. Ainsi, cette jeune femme qui réalise que sa recherche compulsive de partenaires violents à l’adolescence, répétait les coups infligés par son père, ce qui commémorait une jouissance, tout en tenant à distance son désir de femme.
L’analyste peut aussi questionner son patient sur l’existence d’une répétition. Si, au moment opportun, il en pointe la dimension réelle de jouissance, son acte peut avoir des effets subjectifs.
Références
1 Lacan J., L'envers de la psychanalyse, Le séminaire, livre XVII (1969-1970), texte établi par Jacques-Alain Miller, Paris, Seuil, 1991, 51.
2 Miller J.-A, “Les six paradigmes de la jouissance”, La Cause Freudienne n° 43, 1999, 22.
3 Lacan J., Interview à France Culture, Paris 1973.
4 Miller J.-A., “Les six paradigmes de la jouissance”, op.cit., 23.
5 Freud S., “Extrait de l’histoire d’une névrose infantile”, Cinq psychanalyses, Paris, PUF, 1971, 395.