La répétition dans le rêve, «voie royale» vers l’inconscient réel

Ioanna Verigaki


Le rêve de l’enfant qui brûle, que Freud nous rapporte dans son dernier chapitre de L’interprétation des rêves (1929)1 est un exemple impressionnant de son concept de compulsion de répétition (Wiederholungszwang). Freud interprète ce rêve à la fois comme l’accomplissement du désir du père endeuillé de représenter vivant son fils qui est mort, et comme le désir de prolonger son sommeil à côté de la chambre où gît le cercueil de son enfant.

Lacan propose de ce rêve une explication qui diffère de celle de l’inconscient transférentiel. En prenant appui sur la répétition de la pulsion de mort dont parle Freud dans Au-delà du principe de plaisir (1920), il établit une équivalence entre la répétition qui caractérise le rêve de l’enfant qui brûle - répétition de l’ordre de la tuché2-, et la répétition des rêves traumatiques. Lacan interprète le rêve au-delà d’une répétition de l’ordre symbolique, à savoir du retour des souvenirs refoulés du sujet. Il nous démontre que le rêve de l’enfant qui brûle révèle une répétition du réel traumatique.

Ce qui réveille le père, endormi dans la chambre à côté de son enfant mort, est une autre réalité3 que celle du cierge renversé, en train de brûler le bras du décédé. C’est le réel qui frappe le sujet sous la forme de marque du trauma et qui surgit avec la phrase « Père, ne vois-tu pas, je brûle »4. La flamme qui, dans le rêve du père, brûle le corps de l’enfant mort porte sur un réel caché qui se trouve « […] derrière le manque de la représentation dont il n’y a là qu’un tenant-lieu »5. Face à la béance de l’inconscient qui s’ouvre, le père affronte un réel impossible, voir la mort de son enfant. C’est donc la rencontre avec ce réel traumatique de la pulsion qui fait irruption énigmatique et réveille le sujet. Et le rêve prend valeur d’événement de corps, puisqu’il représente une jouissance étrangère dans le corps, jouissance qui réveille le sujet. Il devient, ainsi, un moyen qui déclenche « […] la voie d’un vrai réveil pour le sujet »6, à condition que l’acte analytique ne soit pas orienté vers la production du sens, mais vers l’ombilic-même du rêve.

Références

1 FREUD Sigmund, L’interprétation des rêves (1929), traduit par I. Meyerson, Paris P.U.F., 1967, p. 432-435.

2 LACAN Jacques, Le Séminaire Livre XI, Les quatre concepts fondamentaux de la psychanalyse (1964), Texte établi par J.-A. Miller, Paris, Seuil, 1973, p.53.

3 Ibidem p.57.

4 Ibidem p.58.

5 Ibidem p.59.

6 MILLER J-A., L’interprétation à l’envers, La Cause freudienne, No 32, Paris, 1996, p.12.