S1 et Un

De nombreux collègues relisent l’apport fondamental de Lacan sur la répétition dans le séminaire XI en mettant cet apport en regard de la découverte de ce concept par Freud, ou de son amplification par J.-A. Miller dans ses derniers cours.

Barbara Kowalow


Dans son Séminaire XI, Lacan nous présente quatre concepts fondamentaux : l’inconscient, la répétition, la pulsion et le transfert, dans leurs rapports mutuels en clinique psychanalytique. En isolant dans cette série la répétition, nous n’annulons pas les autres. Dans son argument du Congrès NLS Fixation et répétition1, A. Stevens a évoqué ces rapports, en faisant ressortir la différence entre ce qui est soumis à l’ordre symbolique et constitue la répétition du signifiant (automaton), et l’irruption d’un bout de réel (tuché) qui donne sa place à l’objet a, soitl’irruption de bouts de réel, comme bouts de jouissance”2.

Il est frappant que la pulsion « joue » aussi bien dans la répétition que dans la fixation. Nous lisons dans le Séminaire XI que “Le sujet naît en tant qu’au champ de l’Autre surgit le signifiant. Mais de ce fait même, cela (…) se fige en signifiant.

Le rapport à l’Autre est justement ce qui, pour nous, fait surgir ce que représente la lamelle – non pas la polarité sexuée, le rapport du masculin au féminin, mais le rapport du sujet vivant à ce qu’il perd de devoir passer (…) par le cycle sexuel. Je (…) concilie les deux faces de la pulsion (…)”3.

Ainsi, dans l’opération d’aliénation, émerge un sujet qui fut un ensemble vide, en prélevant chez l’Autre le signifiant S₁ lequel devient l’identification fondamentale du sujet et le pétrifie (S₁ partie commune des ensembles $/être et A/sens).

Dans l’opération de séparation, les deux ensembles, celui du sujet et celui de l’Autre, deviennent des ensembles vides, et c’est l’objet a, ce bout de corps vivant, qui devient leur partie commune.

Lors de l’opération d’aliénation et de séparation, Lacan trace un petit losange constituant un bord fonctionnant”4, qui intègre à la fois le fantasme ($◊a) et la pulsion/la demande, “qu’on pourrait appeler le cri” ($◊D)5.

On a dans la tuché “qui est l'irruption d'une première rencontre derrière le fantasme”6, une rencontre avec le réel “comme au hasard, l’annonce de ce que dans le tout dernier enseignement de Lacan il fera valoir comme le réel sans loi”7.

Le dernier Lacan ne parlera plus de l’Autre préexistant dont émerge le sujet, mais, en formulant le syntagme Y a d’ l’Un, il posera la question : “Comment survit l’Autre étant donné que ce qu’il y a, c’est l’Un”8.

“Il y a le Un du signifiant tout seul, hors symbolique, qui frappe le corps et y laisse une marque de jouissance”9.

Références

1 Stevens A., Fixation et répétition - Argument : https://www.amp-nls.org/fr/nls-messager/vers-le-congres-de-la-nls-2022-argument

2 Ibidem.

3 Lacan J., Le séminaire, livre XI, Les quatre concepts fondamentaux de la psychanalyse, Paris, Seuil, 1973, 181.

4 Ibidem, 190.

5 Ibidem.

6 Stevens A., Fixation et répétition - Argument, op. cit..

7 Miller J.-A., L’être et l’Un, cours 3 du 2.2.2011, qui reprend Lacan J., Le Séminaire, livre XXIII, Le sinthome, Paris, Seuil, 2005, 137.

8 Brodsky G., L’argument. Commentaire du Séminaire XI de Lacan, Paris, Navarin, diffusion Seuil, 2006, 272.

9 Stevens A., op. cit.